Mon père; "tout le monde en bave dans cette vie, tout le monde a ses problèmes il ne sert à rien de geindre et de se répandre et n'oublie pas d'être heureuse."
De quoi me plaindre c'est vrai de rien sinon un banal manque de tendresse, de gestes, d'amour durant toute mon enfance, le foutu glacier que ça pouvait vous forer dans le ventre et dans le cœur.
Aller voir un psy de "l'enculage de mouches" tout ce qu'il détestait.
Être heureuse, oui pour montrer l'exemple.
Même si la maladie grappille du terrain et que mes formulations sont hermétiques, les sensations que je décrivais parfois de flottement, d'absence, de se tenir tout au bord, tout au bord de la folie, de la promener dans les rues en la tenant en laisse comme d'autres leur chien dangereux, sans jamais savoir s'il ne va pas finir par vous sauter à la gueule et vous plantez ses crocs en plein visage.
Mon père disait; "n'oublie pas d'être heureuse" et la recommandation valait en toute occasion. c'était à la fois plus simple et plus compliqué: attraper le bonheur comme un gilet dans un placard. Trop impalpable, trop indéfinissable, en cela il ressemblait au sommeil qui ne venait pas si on y pensait.
Ne pas trahir l'enfant, cet ancêtre de notre construction, à qui l'on a fait tant de promesses. Alors comment ai-je pu oublier? Piège de soi, mieux vaut rester chenille que papillon pendant la tempête.
Alors devoir de bonheur, euphorie perpétuelle, pénitence invisible: Comme si la liberté de soi, promise par la modernité, devait se couronner du bonheur, lequel est le diadème qui coiffe le processus. Mais les jeunes gens vivraient la promesse d'un enchantement non comme une bonne nouvelle mais comme une dette à une divinité sans visage dont il ne finiraient pas de s'acquitter. Avec la moindre trace de mélancolie, le plus petit stigmate ou la plus commune des cicatrices, ils s'en voudraient de ne pas correspondre au barème établi, de déroger à la règle.
Problème du contentement et de l'accomplissement et de la destination de l'existence humaine. Tout les hommes s'entendent sur le fait qu'ils se réalisent en étant heureux mais sur la nature du Bon on ne s'entend plus, stupéfiant de la modernité le bonheur est il une illusion? ou un but inaccessible juste un désir ou un manque comblé.
Des nouvelles fringues , un carré de chocolat, un verre de bon vin avec du fromage, une sortie entre copines, un bain brûlant, se sont toutes ces petites choses qui me rendent heureuse malgré leur impermanence, leur teneur si superficielle.
Alors certes il ne faut surtout pas oublier de se faire plaisir mais n'oublions pas non plus que l'effort donne a lui seul une sensation de plénitude et la joie de vaincre car , quelque puissent être les résultats obtenus, il est en lui même la victoire qui contient toutes les autres. Alfred de Musset disait que l'homme est un apprenti, la douleur est son maître, et nul ne se connait tant qu'il n'a point souffert.
source Christine Orban, Pascal Bruckner
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