au charbon

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mercredi 21 octobre 2015

J' ai osé ...me reproduire

...Me prolonger dans autrui;

   Je ne devais pas contribuer à la pérennité de l'espèce. Je n'étais pas capable d'enfanter et tout me désertait.  
La maternité serait la condition première de la complétude d'une femme? Et je ne voulais pas procréer et me perpétuer à tout prix.
Tolstoï disait "la maternité n'est pas la plus haute vocation d'une femme" et un individu qui se respecte ne se glorifie ni de son ascendance ni de sa descendance.

   Cependant, après avoir perdu mon premier ange cela ne cicatriserait jamais à l’intérieur de moi, cette vie qui s'était arrêtée dans mon pauvre corps alors tant meurtri. Je chutais des cimes, le désespoir me déformait la bouche les sanglots me nouaient la gorge, inconsolable.
Ma fausse couche retardait l'avènement d'une plénitude...
   Suite à ces longues années d'attente je ne pouvais m'imaginer en parturiente car paradoxalement au fond de moi j'étais d'un infantilisme inguérissable et donc peut être pas assez mure pour la maternité ...Et jusqu'ici indispensable à personne j'avais contre les miens une suspicion pathogène.
Si je devais avoir un enfant me disais je , ce serait un fils, ma féminité me faisait horreur...

   Grossir, gonflé comme un ballon de baudruche voir sa peau se tendre comme du caoutchouc étiré, n'était pas un phénomène intrigant ou attirant pour moi. Franchement je m'étais faite à l'idée que je ne traverserais jamais cet univers de bouffées de chaleur et d'oedem, de nausées et d'envies curieuses. J'avais fait le deuil de mon enfant biologique et ma parentalité ne s’exprimerait qu'à travers l'adoption.
Observer les gens de mon age s'émerveiller devant le contenu des couches de leur progéniture me rendait vraiment dubitative voir sarcastique.
Non décidément ce n'était pas pour moi, pas mon tour pour cette vie. Je me croyais stérile comme un scalpel de chirurgien, sèche comme le désert de Gobi.

   Et voilà ce matin de décembre où du fond de mes water closet on entendait crier et pleurer une pauvre trentenaire qui ne savait vraiment pas qu' elle devait être la bonne manière de réagir; mais mes chaudes et lourdes larmes avaient bien le gout du bonheur et mes exclamations la saveur de l'immense joie!
On peut dire cette fois que j'ai réellement pris soin de moi pendant neuf mois, tirer les meilleurs partis de tout car Moi était devenu L'autre.

L'instinct maternel alors? vérité selon laquelle il suffirait de pondre pour se révéler mère aimante et maternante; qui peut prôner ce dogme? Sincèrement j'étais la dernière à croire à ce genre de mythe.


Et puis ce petit amour est sorti de mon ventre il a été arraché de ma chair et là cette chaleur posée sur mon torse tout se révèle, tout devient une évidence, j'ai confiance et il a confiance.

Nous allons nous investir dans ton édification, nous ne voulons pas te transformer en clone de nous mêmes mais t'exercer à modeler ton être jusqu'à ce que tu te singularises.
  Au quotidien ce ne sont plus les montagnes russes ta présence m'inspire une constance à toute épreuve. Je veux que tu sois fière de moi.
Peut être aussi que je crains d'être à tes yeux, moitié adolescente moité sorcière mais jamais assez adulte ni assez maitresse de moi pour me désenvaser lorsque je serais sur un terrain boueux. J'aurais à cœur d'être irréprochable et quand je rencontrerais un obstacle je ne m'enfuirais plus mais cravacherais sans débander. Mon caractère se bonifie du moins j'ai le plaisir de le croire, je n'ai plus trop le cafard et mes multiples imperfections se dissolvent. 
  je ne serais désormais plus une hyperémotive qu'un rien déchire, une tourne-pouces se surmenant par a coups. Bazardé l'attirail du scepticisme.
Percevras tu sous ma gaité factice mes obsessions impulsives qui me poussent à être tantôt trop maternante tantôt trop stricte ? Seras tu indulgent quand, tout à la fois, je tache de ne pas être trop possessive et je suis bien involontairement envahissante?

   Je veux profiter de chaque instant si précieux désormais, promet moi de ne pas grandir trop vite.